Ate(lié·e·s) est un dispositif proposant plusieurs entretiens autour de la thématique de l’atelier, du refuge , de l’émancipation et de la cabane. Chaque entretien est une vision d’un·e artiste, d’un·e artisan·e, d’un·e technicien·ne, d’un·e designer… sur son espace de production et de création. Par une question commune en introduction de chaque discussion Ate(lié·e·s) propose des pistes de reflexion, des lignes de tension, des points communs et des différences entre des personnalité·e·s du monde des arts (au sens large).
Ate(lié·e·s) est un projet alimenté par Lukas Ruelle, mis à jour le 1/06/24, composé en Asfalt et Monogrotesk
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RETOUR EN ARRIÈREATELIER BINGO / 25.05.24
Atelier Bingo, se sont Maxime Prou et Adèle Favreau, deux illustrateurs, dessinateurs de surfaces et graphistes français. Ils adorent expérimenter la sérigraphie et d'autres techniques graphiques pour créer des œuvres colorées et abstraites.
Lukas Ruelle. Qu’est-ce que c’est pour vous l’atelier ?
Atelier Bingo. L’atelier a été le point de départ de notre activité. En 2013 on a quitté Paris, on faisait tout les deux nos boulots de graphiste et on a eu une occasion d’avoir un atelier logement en Vendée. On avait un atelier de 100m2, un gros plateau. On a commencé à installer nos ordinateurs et c’était ridicule. Avec un tel lieu on allait pas rester sur nos ordinateurs. On a commencé à se dire qu’on voulait faire de la sérigraphie, on a acheté du matériel, on a équipé le lieu. On a récupéré des cadres de droite à gauche et on a commencé à imprimer des choses ensemble. On avait pas d’imprimante ni rien, on sérigraphiait avec des pochoirs en papier. Notre démarche est arrivez comme ça.
L.R. C’est le lieu qui a fait votre univers.
A.B. Complètement ! On avait encore jamais rien créé ensemble. On ne pensait pas en faire un espace d’illustration, de collage…
L.R. Puis ensuite, la Bretagne c’est ça ?
A.B. On est resté en Vendée environ sept ou huit ans. Après le covid, on a acheté un atelier dans un ancien café. On a fait avant un petit passage à Nantes et on louait un atelier. Nous avons toujours gardé un lien entre la maison et l’atelier.
L.R. Le côté nomade se ressent dans vos ateliers ?
A.B. C’est pas le côté nomade qui nous intéresse. C’est le fait de mêler l’atelier avec la maison. Aujourd’hui on ne pourrait pas faire autrement. Parfois, ça a des défauts, mais au moins on se dit pas qu’on va au bureau. C’est une extension de chez nous. On peut prendre des petits dej et réfléchir à nos projets.
L.R. Quand vous êtes en résidence artistique, vous essayez d’amener votre atelier sur place ou vous vous adaptez sans mal au lieu proposé par la résidence ?
A.B. Très bonne question ! Pour le coup on est un peu conflictuel. Adele arrive plus à travailler ailleurs tandis que moi non. Moi ça me stress, je suis plutôt pas à l’aise. On essaye de reconstituer travail qui nous correspond et on triche beaucoup en produisant avant et après en amont. Cela reste le lieu où nous nous inspirons la résidence. On en fait toujours des très courtes. La production instantané nous stress.
L.R. Vous considérez votre atelier comme une forme de refuge ?
A.B. Oui on peut dire ça comme ça. L’atelier c’est un refuge mais cela reste du travail. Il y a des moments où c’est pas l’endroit le plus agréable. Si tu tournes en rond c’est plus trop cocon. La création cela peut être un peu dur. Notre atelier a toujours été un peu bancal avec des rénovations… cela nous a beaucoup manqué d’avoir un vrai atelier où on peut accrocher des choses et pas juste être dans un chantier. L’atelier reste un endroit qu’on fait évoluer. Pendant longtemps on a eu des ateliers très ouverts et très grands. Maintenant on est sur deux petits ateliers pour être moins confrontés ensemble et échanger avec du recul. On essaye de configurer l’atelier autrement.
L.R. L’atelier c’est déjà un projet en somme ?
A.B. Oui ! D’autant plus que nous sommes deux à le construire ensemble. Cela fait parti de la discussion et a toujours eu autant d’importance que la maison.
L.R. L’atelier contribue à votre façon de produire ? Comme par exemple de mettre en avant du work in progress ?
A.B. Les céramiques c’est en déménageant. On a vendu notre matériel de sérigraphie. L’atelier de Maxime est plus petit et il travaille des plus petits formats en collage. L’espace répond à notre façon de travailler et vice-versa. Parfois on récupère des images chez l’un l’autre pour trouver un système qui roule.
L.R. Ne pas avoir accès aux machines ne vous attriste pas ?
A.B. Si mais cela fait parti de la vie. Cela vient avec les envies et les projets. Nous avons toujours voulu que le travail reste un plaisir. On discute beaucoup sur comment on évolue.
L.R. Vous avez des gens autour de vous en Bretagne qui travaillent ces techniques ?
A.B. Tout à fait !
[…]
L.R. Le monde est plus que petit ! *rigole* Le hasard c’est quelque chose qui vous intéresse ?
A.B. Cela a été très important dans nos premières années. On ne connaissait rien et on jouait tout le temps avec le hasard. D’où notre nom Atelier Bingo. On aime bien remodeler, bouger, découper. La pratique de l’atelier c’est important. De réellement pratiquer. Dans des collaborations, avec des nouveaux outils… On arrive de plus en plus à jouer avec le fait que notre travail évolue en allant sur de nouvelles pistes sans revenir en arrière.
[…]
L.R. Vous qui produisez des prints. ^tes vous bons consommateurs ou bons collectionneurs d’affiches, de disques…
A.B. Oui et non. On a beaucoup de vieilles choses ou alors on fait beaucoup d’échanges avec des amis illustrateurs, graphistes… On consomme pas du contemporain comme ça, faut qu’on est un lien avec les choses qu’on garde. À un salon, on échange avec la table d’a côté par exemple. En livre on achète beaucoup plus de choses. Le côté print c’est dans nos tiroirs, mais qu’on ouvre souvent ! *rigole*
L.R. Cela vous intéresse de savoir dans quels lieux vivent vos œuvres ?
A.B. Si tu savais ! Je vais voir sur google street View les maisons où partent nos prints. Je fais des screenshots des maisons pour avoir un peu un lien. Quand on reçoit une photo de nos prints chez les gens c’est toujours agréable !
L.R. Vous arriveriez à expliquer pourquoi ce retour aux dessins abstraits, naïfs…
A.B. Pour nous c’est pas tant un retour à quelque chose de naïf. Les gens se libèrent, n’attendent plus une confirmation académique pour se lancer… Y’a un vrai lâché prise qui est super agréable. Le but c’est de faire son chemin.
L.R. Merci beaucoup !