ATE(LIÉ·E·S)



Ate(lié·e·s) est un dispositif proposant plusieurs entretiens autour de la thématique de l’atelier, du refuge , de l’émancipation et de la cabane. Chaque entretien est une vision d’un·e artiste, d’un·e artisan·e, d’un·e technicien·ne, d’un·e designer… sur son espace de production et de création. Par une question commune en introduction de chaque discussion Ate(lié·e·s) propose des pistes de reflexion, des lignes de tension, des points communs et des différences entre des personnalité·e·s du monde des arts (au sens large).



Ate(lié·e·s) est un projet alimenté par Lukas Ruelle, mis à jour le 1/06/24, composé en Asfalt et Monogrotesk

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lukasruelle@gmail.com


RETOUR EN ARRIÈRE
THOMAS BROSSET / 17.05.24


«
Je travaille vite, sans esquisse, par répétitions. 
Je cherche l’élan.

Dessins au trait, sans volume ni perspective. 
Les contours discernent les formes et les êtres, 
les font émerger du vide.
Quelque part des tâches, des accidents, pour faire paysage.
Des signes.
Les mots, parfois, pour mettre l’accent sur l’oralité de l’image.

Ce travail aborde la question du lien social, des rapports 
de domination et de violence, du genre, de l’empuissancement, des êtres et des lieux non-humains.

Personnages maladroits, hybrides ou siamois, animaux indéfinis.
Corps nus, sans attributs sociaux, sans décors. 
Humanité hors lieu, hors temps. 
Par mes préoccupations premières d’apprenti anthropologue, 
je cherche les invariants humains.
Déconstruire, chercher les logiques invisibles et les courants 
souterrains.

Mises à nu d’une histoire familiale, auto-fiction réparatrice, 
convocation de mythes, j’articule sans cesse souvenirs personnels et mémoire collective.

Dessiner est alors un acte de transformation et de mise
en perspective du réel où les images qui s’y révèlent sont 
définitivement performatives. »

- Biographie de Thomas Brosset disponible sur son site.
Lukas Ruelle. C’est quoi pour toi l’atelier ?


Thomas Brosset. C’est un espace qui permet. Moi je suis autodidacte. J’ai pas fait d’école, j’ai fait de l’anthropologie à la fac. J’ai fait des sites, j’ai rencontré des graphistes… À un moment donné, l’atelier a été la possibilité de créer par l’espace. Je n’avais pas de place chez moi. Au moment où ma compagne m’a dit on transforme la chambre en atelier, cela a permis de pouvoir ramener de la peinture, de ne pas empiler, de donner de la visibilité aux choses.


L.R. C’est l’espace qui t’a emmené vers la pratique du dessin ?


T.B. C’est les deux, le fait d’être derrière l’ordinateur tout le temps m’a amené vers un besoin de place et la place en question m’a éloigné de mon ordinateur.


L.R. Tu fais toujours du design graphique ? 


T.B. Un peu, le Théâtre des Roches avec du collage numérique… sans être pour autant un collagiste non plus. Puis je travail pour la Maison des Jongles, pour laquelle je fais de l’illustration, du dessin à la main, de la scénographie à partir de peintures… De grands drapés pour marquer le début du festival…


L.R. En voyant tout ça on sent que tu as encore de ta démarche de graphiste dans tes illustrations. Tu considérerais que tu as la même démarche que tu appliques aux deux ?


T.B. Je ne me pense pas designer. Je ne suis pas très bon graphiste et je suis mal à l’aise avec la commande. J’ai du mal à expliquer ce que je fais. Mes clients me font confiance et c’est grâce à ça que je peux m’exprimer. Mes commanditaires me laissent une grande liberté. J’ai du mal à faire ce métier s’il y a des négocations, des contraintes…


L.R. Tu considérerais que tu t’émancipe du graphisme ou de tes pratiques ?


T.B. Je n’ai pas l’impression. A côté je fais des concerts dessinés et des spectacles jeunesse dessinés. Ma compagne est chanteuse. C’est un spectacle qu’on a créer avec plusieurs résidences. On travaille aussi dessus avec un groupe de jazz aussi. Je prépare des boucles animées que je projette et je fais du vigging. 


L.R. Cela te plairait de dessiner en live ?


T.B. Pourquoi pas, cela serait possible plus tard. Comment on accompagne la musique c’est ça qui m’occupe. Les gens viennent voir un concert surtout. Un dessin cela prend du temps à se faire. Le fait de dessiner avant me permet de faire des choses rythmés. C’est super écrit avec de nombreux allers-retours entre nous tous·tes. On joue par exemple avec des tulles et tu peux laisser passer des éléments devant, derrière, entre… On dérive beaucoup ! *rigole*


L.R. Pas de soucis ! 


[…]


L.R. Tu te projettes plus tard dans l’idée de recevoir du public dans ton atelier ?


T.B. J’adore l’atelier comme un endroit qui est à moi. Tu parlais de cabane tout à l’heure, notre asso s’appelle Cabane. C’est le mot magique. C’est comme de l’hétérotopie. Une utopie dans un lieu précis. Pour moi c’est ça l’atelier. Mon utopie dans un lieu très délimité et ancré. Tu construits un lieu physique qui te permet d’aller partout. J’ai pas trop besoin de me réfugier en revanche. Mais c’est très cocon. Il y a une forme de sécurité créative. L’expérimentation a priori tu vas te foirer ? Il y a peu de chances que cela soit réussi dès le début. L’atelier il permet d’explorer.


L.R. Il y a des choses que tu produis où ton atelier s’insuffle dedans ?


T.B. L’atelier permet surtout de voir.


L.R. Tu as un bon regard sur ce que tu fais ?


T.B. Ce que j’accroche c’est ce qui m’intéresse, beau ou pas beau pour voir si je garde des éléments. Ça permet de retrouver son chemin sans être pour autant un rappel à l’ordre.


[…]


L.R. C’est quoi ton rapport avec le fait de posséder un peu des machines au sein de ton atelier ?


T.B. J’ai caressé le rêve d’avoir une riso, j’ai trouvé les tambours mais pas la machine. Puis c’est passé. C’est des pratiques très dévoratrices. Passionantes mais dévoratrices. J’ai fait une résidence à Maison Riso avec Bertrand Sallé, on a fait un brochure en sortie de résidence. Je trouve cela super mais il faut beaucoup s’y consacré. Les multiples m’intéressent plus. Je ne suis pas très doué mais le côté vente, quand tu fais des multiples c’est pour les vendre. 


L.R. Autant que les originaux ?


T.B. Les originaux prennent moins de place ! *rigole* J’ai fait une salve pour la slow galerie puis après je m’en occupe plus. C’est plutôt ça qui me correspond.


L.R. Tu expliquerais ton rapport à Palefroi, à Bingo… ?


T.B. Oui ! J’ai appris sur le tas et c’est vraiment l’art brut qui m’a autorisé à faire des dessins. J’attendais une validation pour rien. L’art brut m’a montré que je pouvais foncer sans rien attendre. Je suis un dessinateur frustré. J’ai essayé de bien dessiner. J’étais incapable avant de dessiner ce que je voyais pas et je dessinais très mal ce que je voyais. L’art brut ouvre le cerveau. L’habilité c’est une composante du dessin qu’on recherche ou pas. Je ne cherche pas à l’acquérir. Comprendre qu’on peut s’en passer cela permet d’avancer. Mes filles ont participé à se plaisir en les voyant faire un gribouillage. Il faut en faire quelque chose de ludique. Puis je suis pas patient. *rigole*


L.R. Un jour cela te botterait d’être dans une collaboration artistique avec des graphistes qui eux, travaillent les aplats ?


T.B. Bien sûr ! Toutes les rencontres sont bonnes à prendre ! 


L.R. Pour finir c’est quoi ton espace de rêve ?


T.B. Mon atelier rêvé c’est face à la montagne. De grandes baies vitrées face à la montagne. C’est un lieu ressource qui fait du bien. Face à un lac aussi, pourquoi pas…


L.R. Face à quelque chose en tout cas ?


T.B. Carrément, c’est important ! Tu es toujours mieux dans un lieu qui respire, loin des néons des ateliers d’imprimerie, quoique cela fonctionne aussi.


L.R. Merci beaucoup Thomas !