ATE(LIÉ·E·S)



Ate(lié·e·s) est un dispositif proposant plusieurs entretiens autour de la thématique de l’atelier, du refuge , de l’émancipation et de la cabane. Chaque entretien est une vision d’un·e artiste, d’un·e artisan·e, d’un·e technicien·ne, d’un·e designer… sur son espace de production et de création. Par une question commune en introduction de chaque discussion Ate(lié·e·s) propose des pistes de reflexion, des lignes de tension, des points communs et des différences entre des personnalité·e·s du monde des arts (au sens large).



Ate(lié·e·s) est un projet alimenté par Lukas Ruelle, mis à jour le 1/06/24, composé en Asfalt et Monogrotesk

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RETOUR EN ARRIÈRE
VINCENT LONGHI / 22.05.24


Après avoir décroché son diplôme à l’école européenne supérieure de l’image d’Angoulème, Vincent Longhi établit son campement outre-atlantique, à Montréal. Co-fondateur de la maison d’édition Fidèle avec trois de ses acolytes d’Angoulème, le français y publie un l’ouvrage Light de toute beauté et des sérigraphies et lithographies où la femme est souvent à l’honneur. Ses dernières créations reflètent la société technologique dans laquelle nous vivons d’un œil critique mais en la plantant dans un décor rappelant la bande dessinée. Il est revenu s'installer à Paris.Lukas Ruelle. Avant d’être dans la riso tu étais dans le design ?


Vincent Longhi. J’ai fait les beaux art d’Angoulême et on a lancé Fidele pour faire de l’édition de BD. On a découvert la riso par hasard et on a adoré. Quand on a pris notre autonomie vis-à-vis de l’entreprise Riso c’est là que c’est devenu intéressant.


L.R. C’est quoi pour toi l’atelier ?


V.L.  Pour moi, l’atelier, c’est un espace de recherche et de production. Plus symboliquement un espace de liberté. J’ai toujours eu besoin d’un atelier pour faire des choses de manière plus ou moins spontanée. L’atelier ici me convient amplement, il est grand, j’aime bouger mais je voulais poser les choses. C’est stable et cela fait vachement de bien


L.R. Cela se sent dans ton travail ton côté nomade ?


V.L. Oui je pense. On n’a pas la même logique, on se projette pas dans le long terme, c’est plus spontané et plus dynamique. Même si ici c’est particulier car on a trois casquettes. Je fais mes trucs, la gestion de Fidēle et l’édition. Je sais pas si c’est très différent. Je me pose la question car je n’ai pas installé énormément de choses ici. Tout peu bouger. Je suis pas très statique. Je suis partie plusieurs fois de cet atelier d’ailleurs, en résidence à Rome, en Bretagne… 


L.R. Et ça t’en as besoin.


V.L. Complètement


L.R. Avec la casquette Fidèle tu arrives toujours à expérimenter ?


V.L. Aucune garanti de succès est un risque car il ne faut pas contrebalancer les charges. C’est un peu effrayant mais en faisant un livre sans savoir si on va le vendre : on expérimente. C’est des prises de risque.


L.R. Tu trouves que c’est la prise de risque qui te fait tenir ou du moins qui t’exalte ? Ou tu aimerais travailler sans risque ?


V.L. Ça n’existe pas. Cela marche pas pour moi. Cela fait peur même de devoir être créatif en milieu très très safe. Je fais plus beaucoup de technique, je n’imprime pas pour leds clients, je supervise, je donne une direction. La riso c’est tellement simple, une fois que tu maîtrise l’outil bon bah voilà. En poussant la technique cela peut devenir intéressant comme les américains Risolve, qui ont conçu des convoyeurs à air chaud etc. C’est pas pour moi. Sympathique mais pas pour moi.


L.R. T’estimerais que tu as un peu de son espace de rêve ?


V.L. Pour moi cela ne se joue pas dans la matérialité. J’en suis super content mais c’est secondaire. Je pourrais changer demain du tout au tout. J’ai pas vraiment d’énergie au fait de changer tout.


L.R. Tu n’irais pas jusqu’à dire que ton espace de travail s’insuffle dans tes productions ?


V.L. C’est ambiguë. Ce qu’on fait ici c’est parcequ’on a cet espace. Mais quand je compare avec les lieux où j’ai été. C’est assez similaire partout. Aux grands voisins il y avait le Chao ambiant. 


L.R. Tu arriverais à te projeter dans un lieu grand public ? 


V.L. Là on a un mélange des deux. On est plus pignon sur rue donc on a plus la personne type qui veut imprimer son passeport sans trop comprendre. Même l’entreprise RISO rigole de nous voir à fond dans l’art etc. À la Villa du Lavoir c’est beau toute l’année, c’est onirique…


L.R. Cela se ressent dans votre travail quand on vous voit printer des fleurs etc. Tu arriverais à expliquer le retour au dessin naïf ? 


V.L. Je pense que c’est la jonction entre les capacités techniques des gens et l’outil. En général, c’est parce qu’on se sert de l’outil d’impression comme d’un outil plastique mais tellement plus simple que tu peux t’autorisé du bricolage. Cela donne au moins l’envie de le faire. C’est un type de visuel qui tend à se ressembler avec des thématiques consensuelles et décoratives.


L.R. Tu continues de créer comme tu le faisais avant où la riso et ton espace de création ont modifier ton approche du dessin ?


V.L. J’ai pas conçu une image non destiné à la riso depuis plus de 10 ans *rigole* Je pense en couches de noir et blanc maintenant. Je fais les dessins à l’encre et je les pense vraiment en lien avec des superpositions. 


L.R. Tu t’imagines te diversifier à terme ? Tu aimerais retourner à autre chose que la riso ? Par une sorte de ras-le-bol


V.L. J’aimerai concilier les deux. Cela fait plus ou moins un an et demis, deux ans, que je me suis éloigné de la riso. Il y a eu pour moi la question de l’offset pour les livres… Comment on s’organise pour rester cohérent ? Je suis content car tous nos livres fonctionnent ensemble. Des fois je me sens quand même limité par la riso. En tant qu’illustrateur je veux travailler des livres en riso alors que beaucoup moins avec ma casquette d’éditeur. Je scinde mes journées avec un espace au-dessus tu veux voir ?


L.R. Carrément !


[…] 


V.L. J’adore faire des bureaux. J’ai des bureaux partout. Je passe plus de temps à concevoir mon espace de création qu’à créer. Pour moi c’est déjà un projet que de faire un bureau. Quand je vois un pan de mur dispo je me vois y faire un bureau. J’adore bouger entre les espaces. J’ai du déplacer 10 fois les choses dans ce lieu. J’essaye de me restreindre sur un bureau. 


L.R. Merci pour tes réponses Vincent !